Protection de la vie privée à l’heure de l’IA : une conversation avec Pam Snively, chef des données et du Bureau des relations de confiance
Nimmi Kanji
directrice générale, programmes à vocation sociale : TELUS Averti et TELUS pour l’avenir
L’intelligence artificielle (IA) envahit de plus en plus nos vies personnelles et professionnelles. Tout en profitant de ses bienfaits, comment préserver notre vie privée et à notre sécurité? Existe-il une réglementation pour nous protéger? Comment utiliser l’IA de manière responsable et exiger que les entreprises avec lesquelles nous interagissons affaire fassent de même?
Nous avons posé ces questions et d’autres à Pam Snively, chef des données et du Bureau des relations de confiance. Dirigeante éclairée spécialiste de l’IA, de la protection de la vie privée et du traitement éthique des données, elle souligne à quel point la littératie en matière de données et d’IA est importante pour cerner les possibilités qu’offre cette technologie et les conséquences qu’elle peut engendrer.
Q : À quel point l’IA est-elle aujourd’hui intégrée à nos vies quotidiennes? Quelles sont les conséquences de ce fait sur la protection de la vie privée et la sécurité en ligne?
PS : L’IA est encore plus intégrée à nos vies que nous le croyons. La plupart des gens ne réalisent pas à quel point elle est présente dans leurs outils de tous les jours, comme les applications de covoiturage, les caméras des téléphones intelligents ou encore les assistants virtuels. En outre, ils comprennent généralement mal en quoi consiste l’IA, y compris la façon dont elle exploite les données. L’IA a besoin d’un énorme volume de données pour apprendre, ce qui accroît les problèmes de protection de la vie privée.
Des acteurs malveillants exploitent l’IA pour se livrer plus rapidement et efficacement à des escroqueries en ligne. Les hypertrucages, ou « deepfakes », se multiplient, et certaines campagnes ciblées parviennent à leurrer pratiquement n’importe qui. On commence à observer un tsunami de mésinformation et de désinformation généré et propagé par l’IA. Le fait d’indiquer clairement qu’un contenu a été généré par l’IA est une bonne chose, mais n’est pas obligatoire sur certaines plateformes, ce qui peut semer la confusion. Nous devons redoubler d’efforts pour distinguer le vrai du faux et ne pas nous laisser abuser par l’information qu’on nous propose.
Heureusement, l’avenir n’est pas que sombre. Les gens veulent en savoir plus sur l’IA, parfaire leur littératie médiatique et en matière de données. Pour les y aider, TELUS propose divers programmes, externes comme TELUS Averti, ainsi qu’internes.
Q : Selon le Rapport 2024 de TELUS sur l’IA, 78 % des 5 000 Canadiens interrogés lors d’une enquête ont dit estimer que le développement et l’utilisation de l’IA devraient être réglementés. Qu’en est-il à ce jour?
PS : En matière d’IA, on est loin de la loi de la jungle. Diverses lois d’importance visent à répondre aux nombreuses préoccupations qu’elle soulève. Notre législation sur la protection de la vie privée s’applique à l’IA, tandis que notre législation sur les droits de la personne protège les groupes en mal d’équité. Nous disposons aussi de lois sur la propriété intellectuelle. Cela dit, comme toute technologie transformatrice, l’IA génère sans cesse de nouveaux risques. Le Canada doit s’attaquer à ceux-ci, à l’instar des autres pays du monde. Les technologies émergentes comme l’IA engendrent des vides juridiques qu’il faut combler. Il existe heureusement une importante collaboration internationale visant à remédier aux problèmes communs à l’ensemble de la planète. Selon le rapport de TELUS précédemment évoqué, les experts, comme les spécialistes de l’éthique en matière de traitement des données, sont aussi favorables à la réglementation de l’IA qu’à son développement. Le rapport met en lumière le fait que les gens veulent avoir leur mot à dire en ce qui concerne l’IA, mais aussi à quel point il est compliqué de gérer celle-ci de manière à en exploiter le potentiel tout en réduisant les risques.
Q : Le rapport met aussi en lumière des lacunes en matière d’éducation et de sensibilisation. Comment les Canadiens peuvent-ils en apprendre plus sur l’IA et sur ses conséquences dans leurs vies quotidiennes?
PS : De nombreuses possibilités s’offrent aux Canadiens. J’encourage chacune et chacun à expérimenter les outils fondés sur l’IA pour comprendre comment ils fonctionnent. Il est également possible de regarder des vidéos sur YouTube, de suivre des cours sur LinkedIn Learning, ou encore de consulter les formidables ressources mises à la disposition des jeunes et des familles dans le cadre du programme TELUS Averti. Les établissements d’enseignement et les enseignants peuvent aussi organiser des discussions sur l’IA et l’esprit critique. Plutôt que d’insister exclusivement sur les aspects négatifs de l’IA, il est important de souligner en quoi son exploitation peut permettre de résoudre les problèmes de manière plus créative.
Q : Comment les gens peuvent-ils profiter des nombreux bienfaits de l’IA tout en préservant leur sécurité et leur vie privée?
PS : L’univers en ligne exige de tous une vigilance accrue. Aujourd’hui plus que jamais, nous devons absolument nous renseigner sur les évolutions de l’IA et rester au fait de celles-ci. Nous devons aussi faire preuve d’esprit critique et nous fier à notre intuition. Si apparemment quelque chose ne va pas, c’est que tel est probablement le cas. Nous devons constamment être attentifs aux données que nous divulguons et aux raisons pour lesquelles on nous demande de les divulguer. Si une entreprise nous demande de lui divulguer des renseignements, nous devons chercher à savoir pourquoi, prendre le temps de déterminer si leur divulgation serait sans danger, et refuser de procéder à celle-ci si elle nous met mal à l’aise.
Il est très important de veiller à notre sécurité dans l’univers numérique avec autant d’attention que nous le faisons dans le monde réel. Fiez-vous à votre instinct et n’accordez pas votre confiance aveuglément. En revanche, si vous faites confiance à une personne ou à une entreprise, sachez que la multiplication des renseignements que vous lui divulguez peut contribuer à enrichir vos échanges avec elle.
Q : L’IA a mis en lumière l’importance pour les entreprises d’être dignes de confiance. Comme susciter la confiance à l’ère numérique, et en quoi devons-nous modifier nos attentes et nos comportements?
PS : Les entreprises doivent être dignes de confiance et perçues comme telles. Elles doivent pour cela faire preuve de transparence et de sens des responsabilités. Nous commettons parfois des erreurs en exploitant les technologies émergentes. Pour susciter la confiance, il faut les exploiter correctement, de manière responsable et dans un réel souci d’engendrer des résultats bénéfiques. Une entreprise réputée pour son comportement socialement responsable en matière d’investissement et de prestation de services sera bien plus encline qu’une autre à traiter les gens et leurs données de manière responsable. Tel est par exemple le cas de TELUS, dont les décisions prennent en compte les possibles conséquences et retombées bénéfiques de celles-ci. Cela se reflète notamment dans notre manière d’exploiter l’IA.
Q : Souhaitez-vous ajouter quelque chose en terminant?
PS : Le plus important actuellement consiste à renforcer notre littératie en matière de données et d’IA. Cela nous aidera à tirer profit du potentiel de l’intelligence artificielle tout en réduisant les risques. L’IA peut grandement contribuer à accélérer la génération de résultats positifs, l’apprentissage et la croissance. Nous avons toutes et tous la chance de prendre une part active à cette révolution technologique. Pour qu’elle soit bénéfique, il nous faut écouter et relayer les différents points de vue, remédier aux inégalités et agir de concert à l’échelle mondiale.
Pour en savoir plus sur l’IA, n’hésitez pas à prendre part en ligne à l’atelier gratuit intitulé Utilisation responsable de l’IA dans la cadre du programme TELUS Averti. Bien qu’il soit conçu pour les élèves du secondaire, cet atelier permet à quiconque le souhaite d’en savoir plus sur l’intelligence artificielle. En plus de se pencher sur les mythes les plus répandus au sujet de l’IA et sur l’éthique liée à celle-ci, il contribue au développement de l’esprit critique. Cet atelier a été conçu en partenariat avec l’Institut canadien de recherches avancées, un organisme chef de file en matière de recherche sur l’IA, financé par le gouvernement du Canada.